Haïti, diplomatie en lambeaux
- Marvens Pierre
- 24 sept.
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Il y a des scènes qui en disent long. À la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies, la délégation haïtienne menée par Laurent St Cyr n’a obtenu qu’une rencontre avec Christopher Landeau, un sous-secrétaire américain. Pendant ce temps, le président dominicain Luis Abinader discutait directement avec Marco Rubio, secrétaire d’État, au sujet… d’Haïti. La hiérarchie des agendas est limpide : Haïti n’est plus un interlocuteur. Il est devenu un dossier.
Cette marginalisation n’est pas un accident. Elle reflète l’effacement progressif d’une diplomatie jadis ambitieuse, respectée, capable d’influer sur le cours de l’histoire. On oublie trop vite qu’en 1947, un Haïtien, Émile Saint-Lot, fut l’un des artisans décisifs de la diplomatie onusienne naissante. Premier représentant permanent d’Haïti à l’ONU, il joua un rôle essentiel dans l’admission d’Israël, mais aussi de l’Inde et de la Libye. Son vote comptait. Sa voix portait. Haïti, petit pays mais grande conscience, savait alors faire entendre la sienne dans le concert des nations.
Environ huit décennie plus tard, quel contraste cruel. Le pays qui pesait sur les équilibres diplomatiques mondiaux n’arrive même plus à défendre sa propre place à la table. Sa diplomatie n’est plus qu’un vestige, privée de souffle, sans stratégie, sans ambition. Pendant que ses voisins tracent des lignes sur son avenir, Haïti assiste impuissant, réduit à un rôle de spectateur dans son propre drame.
Et pourtant, c’est maintenant que la voix haïtienne devrait résonner le plus fort : face à l’effondrement institutionnel, à la violence armée, à l’exode massif. Une diplomatie offensive pourrait encore rappeler que le pays existe, qu’il n’est pas seulement une case à gérer dans les rapports de Washington, de Santo Domingo ou de l’ONU. Mais pour cela, il faudrait redonner à la politique étrangère haïtienne l’énergie qu’elle a perdue, et surtout la conviction qu’elle peut compter.
Aujourd’hui, le silence haïtien résonne comme une abdication. Et dans cette abdication, c’est plus qu’une diplomatie qui s’éteint : c’est une souveraineté qui se dissout.
« Quand une nation cesse de parler pour elle-même, d’autres écrivent son destin à sa place. »
Éditorial | Le Flux Media
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