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Haïti à la dérision internationale, quand la puissance diplomatique frôle le grotesque


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Il est difficile de ne pas ressentir un mélange de consternation et d’incrédulité face à la dernière initiative de l’ambassade des États-Unis en Haïti. Dans une vidéo diffusée récemment, l’envoyé de la diplomatie américaine, Mike Henkey, conseiller en communication, présente avec un sourire affable des billets, annonçant que cinq millions de dollars sont disponibles pour quiconque fournira des informations menant à l’arrestation de Jimmy Chérizier, alias « BBQ », chef de gang tristement célèbre. Le problème, au‑delà de l’initiative elle‑même, réside dans le ton adopté : Henke plaisante, rit et conclut sa prestation par une phrase en créole, « Kite Konpa Mache  », donnant l’impression de transformer une affaire de sécurité nationale en farce publicitaire. Sociologiquement, cette expression est utilisée par les Haïtiens pour signifier que tout va bien et qu’il vaut mieux laisser les choses telles quelles.


Le ridicule n’est pas dans l’intention de lutter contre le crime, la traque des chefs de gangs violents en Haïti est urgente et nécessaire, mais dans la manière dont cette puissance mondiale choisit de le faire. Avec tous les moyens à disposition, avec toutes les ressources de renseignement et de sécurité que les États-Unis peuvent mobiliser, la diplomatie américaine semble se complaire dans une mise en scène qui frôle l’humiliation. Pendant ce temps, Jimmy Chérizé continue de circuler publiquement, signalant ses positions depuis Delmas 6 jusqu’à Canaan, défiant ostensiblement une autorité nationale impuissante à contenir sa violence.


La vidéo, censée rassurer, révèle un dysfonctionnement profond : celui d’un État incapable de protéger ses citoyens, et d’une puissance étrangère qui, au lieu de renforcer les institutions locales, choisit de se moquer ouvertement de la situation. Le spectacle est d’autant plus amer qu’il réduit à néant toute notion de sérieux et de crédibilité : la sécurité du pays n’est pas un jeu, et pourtant, c’est ainsi qu’elle est présentée à l’opinion publique internationale.


En fin de compte, cette mise en scène, volontairement légère, n’illustre pas la force d’un partenariat diplomatique, mais l’échec de celui-ci. Haïti, affaibli, violentée et vulnérable, est devenue le décor d’une plaisanterie qui ne fait rire que ses auteurs. Et pendant que l’on rit à Washington ou à Port-au-Prince derrière une caméra, la population, elle, continue de vivre dans la peur, témoin d’une tragédie nationale transformée en sketch pour le divertissement des puissants.


Haïti mérite mieux que des vidéos ridicules ; ses citoyens méritent une action sérieuse, coordonnée et respectueuse de leur dignité notamment de la part de ses dirigeants. Tant que le crime organisé et l’impunité seront traités à la légère, la nation continuera de souffrir, spectatrice d’un théâtre diplomatique qui ne fait que souligner son abandon.



« Quand la diplomatie transforme la tragédie en spectacle, c’est la nation qui devient le bouffon d’un jeu qu’elle n’a pas choisi. »


Le Flux Media



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